Alors que les combats continuent autour d’Asnières, aujourd’hui des citoyennes ont crée l’Union de Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Elles ont lancé un appel aux femmes de Paris, leur enjoignant de rejoindre l’Union pour aider à défendre la ville contre l’armée monarchiste. De nombreuses femmes n’ont pas attendu la création de cette Union pour s’engager dans la Garde Nationale, comme cantinières, ambulancières ou soldats.
De gauche à droite Marie Ferré, Louise Michel et Paule Minck, mairie du Xe ( google map )
On connait la situation de soumission à laquelle l’Empire réduisait les femmes. Le code civil de 1804 considère les femmes comme légalement mineures et dépendantes de leur mari. Elles ne peuvent même pas travailler sans son autorisation. Généralement moins instruites que les hommes, celles qui ont accès à l’instruction vont dans des écoles de filles souvent tenues par des religieuses, ou en plus d’une morale chrétienne stricte, on leur enseigne à devenir de bonnes épouses.
Elles n’ont pas le droit de vote et ne sont pas considérées comme des citoyennes. Les femmes travaillent tout aussi dur pour un salaire inférieur à celui des hommes, et doivent souvent compter sur le revenu de leur conjoint pour survivre.
À Paris, nombreuses sont celles qui ont perdu un mari ou un compagnon dans les combats contre les prussiens, et maintenant contre les versaillais.
Ouvrières du textile pour la plupart, elle ne trouvent pas de travail dans une ville assiégée depuis des mois, et ne peuvent donc subvenir à leurs besoins.
Pendant le siège, ce sont elles que l’on voit faire la queue aux distributions de nourriture, qui est rationnée dans la ville. Pour tenir jusqu’à la fin du mois, un grand nombre de parisiennes, y compris celles qui sont en ménage, doivent se livrer à la prostitution occasionnelle, ce qu’on appelle le « cinquième quart ».
Elles bénéficient heureusement des Marmites sociales mises en place dès le début du siège prussien par quelques militants ouvriers dont Eugène Varlin et Nathalie Lemel, qui distribuent de la nourriture aux parisiens les plus pauvres. Ce principe est repris par la Commune qui ouvre des cantines municipales.
Depuis le début de la révolution les femmes, qui souffrent de conditions très dures, sont à l’avant-garde de l’insurrection. Elles étaient les premières, le 18 mars, à entourer les soldats de Versailles et à les pousser à fraterniser avec le peuple parisien. Le 3 avril dernier, à la nouvelle de l’attaque des versaillais et des éxécutions sommaires de prisonniers, elles sont plusieurs milliers à manifester pour réclamer une marche sur Versailles, et revendiquent d’être en tête du cortège. La Commune leur rend justice en octroyant par décret une pension à toutes les veuves de gardes nationaux tombés au combat, augmentée en cas de charge de famille et qui s’applique aussi aux couples non mariés.
Dans les nombreux clubs politiques qui se sont crées depuis le siège, les femmes prennent la parole librement. Ces réunions, qui attirent un grand nombre de parisiens, ont souvent lieu le soir dans les églises de quartier réquisitionnées pour l’occasion. Les femmes forment même des clubs exclusivement féminins, comme le club de la Boule Noire, présidé par Sophie Poirier et Beatrix Excoffon. Le club se réunit régulièrement et discute de problèmes de la vie quotidienne, comme la prostitution, l’organisation du travail, ou l’éducation.
Certaines vont jusqu’à prendre les armes aux côtés des fédérés. Louise Michel en fait partie. Populaire pour avoir ouvert une école gratuite à Montmartre, elle participe à la création du comité de vigilance républicain du XVIIIème arrondissement. En tant qu’institutrice, elle y préside le club de la Révolution à l’église Saint-Bernard de la Chapelle.
Présente à Montmartre le 18 mars au matin, c’est elle qui soigne le factionnaire Turpin, abattu par les soldats de Versailles, et qui court ensuite prévenir le comité de vigilance, ce qui marque le début de l’insurrection.
Arborant l’uniforme des fédérés dès le 22 janvier, elle s’engage tout de suite dans le 61e bataillon de la Garde Nationale, qui se replie sur le fort d’Issy après la perte de Courbevoie.
« Dans les rangs du 61e bataillon combattait une femme énergique. Elle a tué plusieurs gendarmes et gardiens de la paix. »
Elle passe ensuite sous les ordres de Dombrowski, qui commande la 11e légion, en première ligne face aux versaillais. Mais au-delà des initiatives individuelles, les femmes s’organisent collectivement.
Aujourd’hui au café de la Nation, 72 rue du Temple, en face de la mairie du Xème, s’est tenue la première réunion de l’Union des Femmes pour la défense de Paris et le soin aux blessés. Parmi les fondatrices, Nathalie Lemel et Elisabeth Dmitrieff sont les militantes les plus actives. Nathalie Lemel, une ouvrière relieuse qui adhére à l’A.I.T. en 1866, est déjà une militante connue sous l’Empire. Elle a notamment participé à la création d’une coopérative alimentaire avec Eugène Varlin. La seconde est une jeune aristocrate Russe âgée de 20 ans à peine, qui est envoyée à Paris en mars 1871 par Karl Marx, comme représentante du conseil de l’Internationale.
Toutes deux entendent faire valoir le rôle joué par les femmes dans la Commune. Leur but est de promouvoir l’égalité de l’homme et de la femme, une réforme de l’éducation, et des réformes sociales égalitaires. L’Union des femmes a rédigé une adresse à toutes les citoyennes, appelant à organiser la défense de Paris. Parmi leurs projets, le réinvestissement des ateliers laissés vides par les propriétaires qui ont fui a Versailles. L’Union va fusionner avec le Comité des femmes fondé par Jules Allix pendant le siège, qui compte déjà un millier d’adhérentes. Selon leurs propres termes, que reproduit le Journal Officiel d’aujourd’hui, le temps est venu de « vaincre ou mourir » !
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.