Paris est enfin libre ! Vive la Commune !
Les élections promises par le Comité Central ont eu lieu dimanche. Cet après-midi, à l’Hôtel de Ville, le Comité a donc remis tous les pouvoirs aux mains des élus du peuple. Désormais la défense de la République est assurée ! La première séance de la Commune devrait se tenir ce soir.
Proclamation de la Commune de Paris, place de la Grève, 28 mars 2011 (google map)
La place de Grève est noire de monde. Les maires, qui s’étaient longtemps opposés au Comité Central, se sont ralliés aux élections. La réunion des maires d’arrondissement et le Comité ont publié une affiche commune, ce qui a mis fin à la résistance des Amis de l’Ordre. C’est donc dans un climat pacifié, et sous un soleil radieux que les parisiens viennent écouter la proclamation de la Commune, et les résultats des élections communales.
Un immense drapeau rouge flotte au sommet de l’Hotel de Ville. Une estrade surplombe la place, où se tiennent les membres du Comité central, fiers dans leurs uniformes de gardes nationaux, et les élus de Paris, l’écharpe rouge en sautoir. Plus de cent bataillons de la Garde Nationale défilent sur la place, au milieu d’une foule qui continue de grossir. Ceux qui ne peuvent plus pénétrer s’allongent sur les quais, se pressent rue de Rivoli ou sur le boulevard Sébastopol.
L’instant est solennel quand Gabriel Ranvier, élu du XXème arrondissement et membre du Comité central, annonce : « Au nom du peuple, la Commune est proclamée ». Une seule exclamation lui répond : « Vive la Commune ! » Plus de 200 000 parisiens sont rassemblés, hommes et femmes, artisans, ouvriers, commerçants, petits bourgeois… Paris tout entier est réuni place de la Grève pour fêter l’événement.
Les cris de joie se mèlent au vacarme des tambours, tandis que sur les quais, les salves des canons saluent la Commune qui vient de naître. L’ancien scrutin attribuait le même nombre de sièges à tous les arrondissements, alors que les faubourgs sont bien plus peuplés que les quartiers bourgeois du centre et de l’ouest de la ville. Le Comité Central a réparé cette injustice ! Désormais le nombre de sièges est calculé en proportion de la population (1 siège pour 20 000 habitants). Ce sont donc 93 sièges qui devaient être pourvus.
Parmi les élus de la Commune, une large majorité de révolutionnaires. Environ un tiers des élus sont des ouvriers et des artisans issus du peuple ! Mais toutes les catégories sont représentées, employés, petits commerçants, instituteurs, avocats, plusieurs journalistes (dont Jules Vallès pour le XVème), et même des artistes. Le Comité Central qui n’a pas fait campagne obtient 15 sièges, et 17 militants de l’Internationale sont désignés, dont Eugène Varlin qui est élu par 3 arrondissements.
Les hommes de la Commune représentent des tendaces politiques diverses : les républicains historiques, comme Charles Delecluze ou Felix Pyat, révolutionnaires jacobins. Les militants blanquistes, parmi lesquels Raoul Rigault et Théophile Ferré, ou encore les socialistes Benoit Malon et Leo Frankel, militants de l’Internationale. Les quartiers bourgeois ont souvent réélu les anciens maires.
La première séance du conseil de la Commune doit se tenir ce soir même, sur décision spontanée des élus. Plusieurs candidats ayant été désignés par plus d’un arrondissement, la Commune devra sans doute organiser des élections complémentaires, d’autant que certains élus, parmi les anciens maires d’arrondissement, ont déjà annoncé leur démission; c’est le cas de Tirard, élu du IIème arrondissement.
Charles Beslay, doyen d’âge, sera vraisemblablement président de séance. Selon nos sources, neuf commissions devraient être établies sous la direction d’un comité exécutif, renouvelé chaque mois. Ce n’est qu’un début, le travail qui reste à accomplir est immense.
En plus d’administrer la ville, et de tenir tête au gouvernement de Versailles pour sauvegarder la République, la Commune doit poser les bases d’une ère nouvelle, faire de la France une fédération de communes autonomes et sociales, gouvernées par le peuple lui-même.
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Jacques Tardi et Jean Vautrin, Musée Carnavalet.