François Jourde a présenté aujourd’hui les comptes de la ville de Paris à l’assemblée communale. Nommé le 29 mars dernier à la commission des finances, le jeune élu du 5ème arrondissement n’a pas la tâche facile, cinq semaines après le départ du gouvernement officiel.
Paris fait face à des besoins sans précédent. Mise en difficulté par le rationnement, imposé par le siège, et l’effort de guerre qui se prolonge, la Commune a également pris en charge le fonctionnement de l’assistance publique, et, dans de nombreux arrondissements, des écoles. Cela sans compter le versement de la solde aux gardes nationaux. Comment payer ? Les recettes sont bien maigres. Bien que l’impopulaire droit d’octroi ait été maintenu, aucune nouvelle taxe n’a été imposée. Six millions de Francs ont été trouvés à l’Hôtel de ville et dans les ministères, mais ils sont bien insuffisants.
François Jourde devant la Banque de France ( google map )
La Commune a rapidement dû se tourner vers la Banque de France. Il a fallu plusieurs ambassades de François Jourde et Eugène Varlin, au nom du Comité Central, pour finalement obtenir du gouverneur Rouland l’accès au compte de Paris. Le 20 mars, la Commune obtenait un million de francs. Dès le 22, elle devait négocier un échéancier avec la Banque de France en échange d’un nouveau million.
Étant donné les circonstances, la Commune doit renoncer à son légalisme acharné. Alors que la ville dispose d’un compte créditeur à la Banque de France, les élus de Paris continuent de négocier les versements à chaque nouvelle requête. Delescluze a exigé la preuve de la présence des diamants de la couronne avant de procéder à la fouille de la Banque, donnant à cette dernière tout loisir de les déplacer à Versailles.
Pour demander un emprunt, Jourde a d’abord proposé à la Banque de France une garantie sur des bons du Trésor trouvés au ministère des Finances.
Devant l’urgence, il a fallu changer de ton pour contrer la Banque qui cherche à gagner du temps. Grâce à Jourde, il est désormais acquis que la Banque de France va avancer de l’argent à la Commune, mais combien ?
On ne parle que de quelques millions, alors que la Banque aurait déjà accordé plus de 250 millions de Francs au gouvernement de
Thiers. Il n’est pas étonnant que ce dernier ait expressément ordonné à Rouland de le rejoindre à Versailles. Chaque jour, un convoi d’argent s’ébranle de la rue Croix des Petits Champs pour prendre la route de Versailles.
Pourquoi laisse-t-on la Banque financer le siège de Paris, et le massacre des Parisiens ? Elle n’est défendue que par le « Bataillon de la Banque », quelques dizaines de gardes nationaux conservateurs.
Le décret du 3 avril sur la dissolution des bataillons spéciaux visait particulièrement celui-ci, mais le commandant Bertrand, un employé à la retraite, a obtenu de la Commune de défendre l’argent contre tout mouvement de foule. Pourtant, la défense est précaire, l’immeuble est enserré par les rues Radziwill, Baillif, Croix-des-Petits-Champs et de La Vrillière, et ouvert en de nombreux points en raison de travaux. Louise Michel appelle à enfoncer « le pieu au cœur du vampire, la Banque ».
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.