Ce soir, les sections parisiennes de l’Association Internationale des Travailleurs, réunies en séance de nuit, ont officiellement apporté leur soutien au Comité Central. Elles appellent les parisiens à participer aux élections, prévues pour dimanche 26 mars 1871.
Depuis sa création en 1864, l’AIT n’a cessé d’oeuvrer à l’émancipation des travailleurs.
C’est à Londres que se tient le premier congrès ouvrier. Dans un texte rédigé par Karl Marx, néanmoins exclu de l’association puisqu’il n’est pas ouvrier, l’AIT déclare que « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Elle s’engage à organiser une émancipation définitive, qui passe par « l’abolition du salariat ».
L’association s’étend rapidement à travers toute l’Europe industrialisée. Uniquement composée de travailleurs, elle encourage la création de « sociétés de résistance » qui vont devenir les chambres syndicales. L’AIT soutient financièrement les grèves ouvrières, comme celle du Creuzot qui éclate en 1870 dans les usines Schneider.
Mais les sections sont divisées sur plusieurs points, comme les relations avec les partis politiques et le rôle de l’état. Les collectivistes, partisans d’un socialisme autoritaire et proches des thèses de Marx, sont représentés en France par les militants blanquistes. Ils représentent un tiers des adhérents environ. Les mutuellistes, héritiers de Proudhon, sont minoritaires dans l’association.
Les plus nombreux sont les coopérativistes qui s’inspirent des textes anti-autoritaires de Bakounine, anarchiste russe opposé à toute reprise en main de l’état. Pour eux, l’organisation sociale et l’organisation politique doivent se confondre dans des structures sans hiérarchie. En France, ils s’opposent aux blanquistes, qui revendiquent l’action armée d’un parti révolutionnaire. Certains blanquistes, que l’on qualifie de « libres », adhérent néanmoins à l’Association, comme Ranvier, Duval, Jaclard, Vaillant…
L’Empire interdit l’Association, ce qui vaut à ses militants des peines de prison. Malgré la répression, les adhérents de l’Internationale sont très actifs dans les réunions publiques et les clubs politiques.
Le 5 septembre 1870, au lendemain de la proclamation de la République, l’AIT revenait s’installer à Paris rue de la Corderie. Pendant le siège, ses militants organisent la distribution de nourriture aux parisiens les plus pauvres. Benoît Malon, qui compte parmi les premiers adhérents, est élu à l’Assemblée Nationale pour représenter Paris. Eugène Varlin, lui aussi militant de la première heure, est membre du Comité Central de la Garde Nationale. Il a défendu sans relâche un rapprochement entre militants socialistes révolutionnaires et gardes nationaux républicains.
L’Internationale rejoint le Comité Central !
Ce soir, les militants de l’AIT se réunissaient pour discuter de l’attitude à avoir face aux élections. Le conseil fédéral des sections parisiennes a adopté une motion de soutien au Comité Central, qui sera publiée au Journal Officiel.
Travailleurs, la révolution communale affirme ces principes. Nous avons revendiqué l’émancipation des travailleurs, et la délégation communale en est la garantie, car elle doit fournir à chaque citoyen les moyens de défendre ses droits, de contrôler de manière efficace les actes de ses mandataires chargés de la gestion de ses intérêts, et de déterminer l’application progressive des réformes sociales. »
– le conseil fédéral des sections parisiennes de l’A.I.T.
Les militants révolutionnaires sont désormais unis dans leur soutien à la Commune,
qui doit être un véritable gouvernement du peuple !
À bas les armées régulières, les gouvernements réactionnaires !
Vive l’emancipation des travailleurs ! Vive la Commune !
Affiche du 23 mars 1871 à l’emplacement du siège de l’A.I.T rue de la corderie (google map)
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Jacques Tardi et Jean Vautrin, Musée Carnavalet.