Paris s’éveille sous la pluie. Les fédérés, exténués par le manque de sommeil et les bombardements, distinguent à peine les positions ennemies. Les versaillais, pendant la nuit, ont enlevé les barricades laissées sans surveillance par les gardes nationaux. Au matin, ils occupent les barricades de la rue d’Aubervilliers et du boulevard de la Chapelle au nord, le square du Temple, la barricade de la rue Saint-Antoine et la Gare de Lyon.
La Bastille résiste encore. Mais les versaillais cernent la place. Les soldats du général Vinoy contournent la Bastille en suivant la Seine. À sept heures, ils entrent dans le faubourg Saint-Antoine. Les fédérés les arrêtent au niveau de la rue d’Aligre et de la rue Lacuée. Une centaine de gardes nationaux tiennent encore la place, sous une avalanche d’obus. Retranchés dans les maisons, ils disputent le pavé plusieurs heures.
Partout dans les quartiers occupés, les généraux ont fait installer des abattoirs. Les cours prévôtales, conseils de guerre improvisés où l’on juge sommairement des milliers de parisiens, condamnent la plupart des prisonniers à mort.
Ceux qui ne sont pas exécutés restent prisonniers. Pour suffire aux macabres besoins de l’armée de l’ordre, on centralise les exécutions dans les cours des casernes, comme à la caserne Lobau, à l’école militaire, au jardin des plantes, au square Montholon, aux gares de l’Est et du Nord. Les soldats fusillent les condamnés par fournées, à la mitrailleuse.
Sur la rive gauche, le Luxembourg est l’un de ces lieux où l’on fusille les parisiens par centaines. Ce matin, Millière reconnu y était arrêté, et emmené au Panthéon sur ordre du général Cissey. Il ordonne de l’abattre à genoux au pied du monument, pour expier ses fautes. Les soldats doivent le forcer à s’agenouiller. Millière ouvre son habit, et crie “Vive l’humanité !” avant de tomber sous les balles. Un lignard s’approche du cadavre, et décharge son fusil dans la tempe du mort.
barricade de la rue de la Roquette, Bastille
En début d’après-midi les soldats enlèvent la Bastille. Vinoy laisse des hommes en arrière pour procéder aux perquisitions et aux exécutions, et remonte avec ses troupes le XIIème arrondissement. La barricade de la rue de Reuilly les ralentit quelques heures.
Au nord, on se bât à la Villette depuis ce matin. Les fédérés se sont rassemblés derrière le canal Saint Martin, et ont barricadé la rue de Crimée. À la mairie du XXème, les derniers élus et officiers de la Commune tentent de coordonner les efforts. Le quartier général est établi rue Haxo. Ranvier, qui se bât depuis des jours, fait rédiger une proclamation : « Citoyens du XXème, si nous succombons, vous savez quel sort nous est réservé… Aux armes ! Prêtez votre concours au XIXème, aidez-le à repousser l’ennemi. En avant donc… Vive la République ! ».
Vers midi, les docks de la Villette prennent feu. L’incendie de cet immense dépôt de pétrole, d’essence et de matière explosives rend inutiles les barricades de la rue de Flandre et de la rue Riquet. Retranchés derrière le canal Saint Martin, les fédérés repoussent une offensive des versaillais qui échouent à traverser le canal.
Dans les quartiers qui résistent, les parisiens sont à bout, éprouvés par les bombardements qui n’ont fait que s’intensifier depuis une semaine. Les exactions de l’armée de l’ordre, les soldats qui massacrent sans distinction hommes, femmes et enfants, qui égorgent les blessés aux ambulances, le sort réservé aux prisonniers font monter la colère. On parle de venger les fédérés morts au combat, d’exécuter les otages.
Vers 18h, la foule se rassemble au poste de la rue Haxo. Les otages retenus à la prison de la Roquette y ont été conduits. Parmi eux, 34 gendarmes arrêtés le 18 mars, dix écclésiastiques, et quatre mouchards de l’Empire. Tous sont rassemblés au pied du mur. En représailles des exécutions sommaires, comme prévu par le décret du 5 avril, les gardes nationaux décident de les fusiller. Malgré les protestations de Varlin et de Louis Piat, qui manquent d’être tués à leur tour, les fédérés déchargent leurs chassepots et abattent 50 otages.
éxecution des otages rue Haxo, le 26 mai 2011 ( google map )
Ce soir, les derniers insurgés tiennent encore les XIXème et XXème arrondissements, une partie du XIème, et l’extrémité est du Xème.
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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.