L’avancée des Versaillais depuis la prise de Courbevoie a été stoppée net à Neuilly par les hommes du général Dombrowski. À peine nommé, le général polonais a joué d’audace, et réussi à surprendre les troupes de Versailles dans Asnières. Thiers, qui a confié la direction des troupes au général Mac Mahon, officier de l’Empire, a aussi chargé Jules Favre d’aller négocier avec Bismark le rapatriement de 60.000 prisonniers de guerre français, pour renforcer l’armée de l’Ordre.

 

Avant-hier, le 7 avril, les versaillais ouvraient le feu sur Neuilly, sans sommation pour la population qui se retrouvait prise au piège sous les bombardements. Vers quatre heures et demie, les soldats lancent l’offensive et parviennent à repousser les fédérés jusqu’à l’ancien parc de Neuilly. Les défenseurs de Paris perdaient un débouché important, et Bergeret, délégué à la guerre qui avait répondu personnellement de Neuilly, était désavoué. La commission exécutive le remplace par Jaroslaw Dombrowski.

Sortie des fédérés sur le pont d’Asnières ( google map )

Ce soir, à la tête de deux bataillons de Montmartre, Dombrowski lance une attaque surprise et chasse les versaillais d’Asnières. Profitant de son avantage tactique, il parvient à s’emparer des canons et des wagons blindés que les troupes abandonnent dans le village, et de là fait pilonner Courbevoie et le pont de Neuilly. Pendant ce temps son frère Théophile enlève le château du Bécon aux soldats de Versailles, qui commande la route d’Asnières à Courbevoie. C’est le premier revers majeur de l’armée de Versailles, et la Commune le doit à Dombrowski.

À quarante ans à peine, ce Polonais, fin tacticien à la bravoure froide, formé dans les écoles militaires de l’empire de Russie, s’impose comme un des principaux chefs militaires de l’insurrection. Il était à Varsovie le chef du Comité National Central, groupe clandestin qui réclamait l’indépendance de la Pologne, partagée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. Suite à l’échec de l’insurrection du 14 juillet 1862 à Varsovie, il est déporté en Sibérie, dont il s’évade rapidement pour rejoindre la France.
Avec Delescluze et Varlin, il participe alors à l’agitation socialiste parisienne. Après la proclamation de la république le 4 septembre 1870, il se met à la disposition de la France. Réclamé par Garibaldi pour son armée des Vosges, il se rallie à la Commune après le 18 mars.

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Ce n’est pas le seul étranger qui participe à l’insurrection. Garibaldi lui-même, après s’être engagé avec ses hommes aux côtés des républicains français, avait été élu dans de nombreux départements lors des élections législatives de février 1871. Le commandement de la Garde Nationale avait d’ailleurs été proposé le 24 mars au héros de l’unité italienne qui avait décliné l’offre, blessé par le refus de l’Assemblée Nationale de le laisser siéger.

La sortie d’Asnières redonne de l’espoir aux parisiens insurgés. Thiers, exaspéré, a demandé à Jules Favre d’aller quémander aux prussiens un agrandissement de sa force armée. En effet, l’armistice conclu avec la Prusse n’autorise pas la France à disposer de plus de 40 000 hommes aux environs de Paris. Or le chancelier prussien a accepté la libération de plusieurs dizaines de milliers de prisonniers. Le général Mac Mahon, chargé depuis le 6 avril du commandement de l’armée de Versailles, pourra désormais compter sur 100 000 hommes.

Triste spectacle qu’un gouvernement qui en est réduit à supplier l’occupant de pouvoir massacrer son propre peuple ! Dombrowski, qui ne peut compter que sur 2500 hommes tout au plus pour tenir Asnières, Neuilly et Gennevilliers, réclame des renforts de toute urgence.

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© illustrations: Bibliothèque historique de la ville de Paris, éditions Dittmar, Musée Carnavalet.

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