Versailles censure la presse !

Hier soir l’Assemblée Nationale, montrant une nouvelle fois son obstination à combattre les ennemis de l’Empire, a annoncé l’interdiction de six journaux républicains. Les murs de la ville sont déjà recouverts d’affiches dénonçant la manoeuvre. Par ailleurs le conseil de guerre chargé d’instruire l’affaire du 31 octobre a condamné Flourens et Blanqui, jugés responsables de l’insurrection, à la peine de mort.

Nous avons à rassurer et à défendre notre pauvre pays, si malheureux, et si profondément troublé. (…) Ce soir nous avons arrêté la suppression de cinq journaux qui prêchent chaque jour l’assassinat : Le Vengeur, Le Mot d’ordre, La Bouche de Fer, Le Cri du Peuple, et La Caricature.
Jules Favre – 10 mars 1871

Affiches sur la palissade de l’Opéra (1871)

 

Sous l’Empire, on s’en souvient, la censure était la règle.
Mais la libéralisation du régime avait permis la naissance de plusieurs journaux d’opposition.

La presse se faisait enfin le reflet des aspirations du peuple, trop longtemps censurées !
Le lecteur républicain pouvait confronter les avis défendus dans Le Siècle, Le National, Le Rappel, ou encore Le Réveil de Charles Delescluze.

Henri Rochefort, fondateur de La Lanterne – tiré à plus de 150.000 exemplaires et de La Marseillaise, (où écrivent notamment Arthur Arnould et Prosper-Olivier Lissagaray,) était déjà connu des français pour ses articles railleurs et son engagement contre l’Empire.

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Depuis la proclamation de la République, de nombreux clubs, journaux et feuilles éphémères se créent dans l’enthousiasme. Parmi ces publications, quelques journaux républicains remportent un franc succès, comme Le Vengeur ou Le Cri du Peuple, qui atteignent un tirage de cent mille exemplaires.

Paris s’éveille aux cris des vendeurs de journaux, qui annoncent les principaux titres du jour. Cette presse libre et critique, largement diffusée, inquiète l’Assemblée Nationale qui décide de la suppression des principaux journaux d’opposition parisiens.

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Le plus regretté sera sans doute Le Cri du Peuple.

Quotidien politique crée par Jules Vallès le 21 février dernier, il est basé au 9 rue d’Aboukir dans le IIème arrondissement. En quelques semaines, le nouveau journal rencontre un succès inattendu. Son fondateur est un républicain de la première heure, qui a participé à l’insurrection de 1848. Journaliste reconnu, il avait fondé La Rue en 1867. L’année suivante, ses prises de position contre le régime et en particulier ses articles sur la police lui valent d’être incarcéré 2 mois à la prison de Sainte-Pélagie.
Il y continue son activité et fonde Le Journal de Sainte-Pélagie.

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« Il faut que les déshérités aient leur histoire, que les morts ressuscitent dans la conscience des vivants. (…) Ce qu’un journal peut faire pour contribuer à cette oeuvre de réparation et de justice, Le Cri du Peuple le fera. » –  Jules Vallès.

Vendu un sou, ce qui en fait un journal populaire, Le Cri du Peuple défend une république sociale et révolutionnaire. Le quotidien est tiré à 50.000 exemplaires par jour, et son succès l’amène à envisager une diffusion en province, après seulement 10 numéros. Mais les monarchistes ne lui en laissent pas l’occasion.

Depuis ce matin, Le Cri du Peuple est interdit, ainsi que d’autres titres parisiens très lus : Le Vengeur de Felix Pyat, Le mot d’ordre de Rochefort, et le Père Duchene, de Vermeresh, Vuillaume et Humbert.

Versailles ne tolère pas que l’on défende la République !

11 mars 2011 – Crieur de journaux – Rue d’Aboukir dans le IIème arrondissement (google map).

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